dimanche 10 octobre 2010

Pourquoi on parle le français (ou presque) à Verviers? (III)

3ème partie : La fin de l’empire
Le Vème siècle est celui de l’effondrement du pouvoir romain, sous l'effet des invasions germaniques et principalement des Wisigoths. Pour la Belgique, c’est celui de la grande expansion des Francs. En 406, lorsque de nouvelles masses de Germains franchissent le Rhin et pénètrent en armes dans l'empire romain, ils ne rencontrent plus guère de résistance. En fait, les légions romaines partent défendre l’Italie et délaissent la Germanie.
Plus à l’ouest, Clodion le Chevelu (Franc Salien) en profite pour installer aisément les Francs à Tournai et à Cambrai en 428-431, suite à un compromis passé avec le général romain Aetius. Les Francs sont toujours officiellement au service de l’empire qui n’a plus que quelques décennies à vivre (fin en 476 - Ravenne est devenue la capitale de l’empire moribond en 404).
Dans les régions les plus au nord, la langue des Francs se répand. L’inscription en alphabet runique de Bergakker (Tiel) trouvée en 1996 sur une épée est considérée comme la phrase la plus ancienne en néerlandais (425-450).En participant, avec les Romains, à la victoire sur les Huns aux Champs Catalauniques (près de Troyes), les Francs de Mérovée deviennent en 451 les maîtres du nord de la Gaule.
Mais dans la seconde moitié du Vème siècle, les Francs Saliens sont supplantés à l’est de la Belgique par les Francs Rhénans (qui regroupent les Francs de Francfort et les Francs Ripuaires de Cologne). En 500, les Francs Rhénans atteignent Metz. C’est Clovis qui réunit les Francs en 508, l’union faisant la force face aux Wisigoths (qui occupent l’Aquitaine) et aux Alamans (qui occupent le sud de l’Alsace et de la Lorraine).
Le vieux-néerlandais a supplanté le celte et le latin dans le nord de la Belgique : plus tard, on l’appellera le limbourgeois ; il s’étendra jusque Eupen.
Après 460, sous l’action des Francs Rhénans, le moyen-allemand, séparé par la suite progressivement du bas-allemand (auquel se rattache le vieux-néerlandais) de part et d'autre de la ligne Ligne de Benrath, s’implante à Raeren - Eynatten - Hauset. Le francique mosellan, qui fait également partie du moyen-allemand, s’introduit à Saint-Vith et aux alentours.
nb: dans les cantons de l’est, la situation actuelle - recul du limbourgeois - résulte des conditions de l’intégration à la Prusse, des suites de la 2ème Guerre mondiale et bien entendu de la création des institutions de la Communauté germanophone qui diffuse l’allemand ‘standard’ (voir à ce sujet les travaux de Léo Wintgens).
On retrouve les mêmes interrogations quant à l’influence ‘miraculeuse’ des Francs sur le développement du moyen-allemand dans l’est de la Belgique, au Grand-Duché et dans le nord de la Lorraine, considérant que les historiens contestent à présent la présence massive de ces Francs non saliens dans ces régions.
En tout cas, l’expansion progressive des Francs vers le sud de la Gaule (en jouant sur les divisions entre Burgondes et Wisigoths) n’a pas été suivie par l’introduction de la langue franque sur l’ensemble du territoire. Durant les siècles, la colonisation romaine avait été infiniment plus importante dans l’actuelle France que dans les zones septentrionales en deçà du Rhin. Après une période de bilinguisme germano-latin, la plupart des colons francs se latinisèrent mais pas l'aristocratie franque qui continua d'employer sa langue.
Clovis est un général romanisé parlant le francique. Clovis n'a pas fait la guerre à la population gauloise. Son action est de préserver les structures romaines en Gaule (l’aristocratie gallo-romaine). Il reçoit les insignes royaux de l’empereur d’Orient Anastase qui cherche une alliance contre les Ostrogoths qui occupent l’Italie (jusque 557).

Sous l’impulsion du roi Baduila (surnommé Totila, "l’Immortel"), les Ostrogoths réalisent en 543 une réforme agraire de type égalitaire en faveurs des paysans italiens.
Aux yeux de l’Eglise, Totila sera un des 'nefandissimi', un monstrueux ennemi, au même titre qu’Alaric et Attila.


La fin de l’empire romain peut-elle s’expliquer par l’effondrement de l’esclavagisme ? Dans tous les cas, les ‘invasions barbares’ apportent les germes d’un nouveau régime social dans lesquels les esclaves deviennent des personnes : les serfs qui ne peuvent être chassés de leur terre. En contrepartie, ils doivent verser une partie du fruit de leur travail à un seigneur local. C’est sous Charlemagne que le nouveau régime va s’étendre et supplanter l’ancien.
A la mort de Clovis (511), la région de Verviers est plongée dans le royaume d’Austrasie jusque 751.
Les Francs croyaient aux dieux nordiques (à Asgard et à Wotan, le dieu principal). En prétendant représenter la continuité de l’empire d’Occident, l’élite franque s’associe à la nouvelle puissance de l’Eglise catholique. Quand au peuple, il ne partage pas nécessairement le même enthousiasme comme en témoigne l’aventure de Saint Eleuthère à Tournai (mort en 531).
La christianisation de nos contrées, après avoir été interrompue durant la première période franque, n’a véritablement recommencé qu’au VIIème siècle, sous l’impulsion de Saint-Eloi (ministre de Dagobert 1er) qui envoya Saint-Remacle (né en Aquitaine) fonder en 648 un monastère à Malmédy et puis en 651 l’abbaye de Stavelot, qui reçut des terres des rois francs (diplôme de Childéric II, 670).

vitrail de l'église de Saint-Léger sous Cholet (Maine et Loire) : Childéric et son frère Saint-Léger


Avec la disparition de tout lien centralisé, le latin vulgaire disparaît progressivement au profit d’une variété locale dont proviendra le wallon influencé plus ou moins par la langue des Francs. Stavelot semble un centre de maintien de la langue romane.
[A suivre]

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